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Transformer des lieux avec la compagnie John Degois

By | 2022/2023

En novembre dernier, la compagnie John Degois s’est rendue auprès des jeunes de l’EMP de Beauvais pour leur offrir des impromptus dans un environnement à la fois dynamique et détendu. Des danses improvisées et des freestyles ont été accompagnés d’une musique de guitare afin de créer une atmosphère unique de sensibilité ancrée dans le présent.

JULIEN BUCCI, de la poésie plein les oreilles

By | 2022/2023

Le 20 octobre 2023, Julien Bucci de la compagnie Home Théâtre, et Cloük, alias Chloé Smagghe, étaient au Centre Hospitalier d’Arras pour le dernier jour d’intervention de la compagnie dans le cadre de Plaines Santé. Tantôt seul, tantôt accompagné de Chloé ou du musicien David Laisné, Julien Bucci a offert aux patients et patientes de l’hôpital un moment de poésie et de bien-être.

Il est 14h00 passées de quelques minutes, et déjà le duo s’active dans le couloir du centre hospitalier d’Arras. Les lectures en chambre vont commencer à 14h30. Julien Bucci, écrivain, poète, ouvre une mallette dans laquelle sont exposés des livres.  Il la pose sur un chariot, réquisitionné pour l’occasion. Aujourd’hui, Julien est accompagné de l’illustratrice Cloük, alias Chloé Smagghe qui installe sa boîte de pastels et ses feuilles blanches juste à côté de la mallette du poète.

En quelques minutes, le duo est prêt. Julien tient dans sa main la liste des chambres où les personnes ont répondu positivement à leur proposition. Il échauffe rapidement sa voix en passant la porte du couloir. Cloük le suit en poussant le chariot jusqu’à la première chambre. C’est un refus pour cette première. La dame n’est finalement pas disponible. Le duo part alors vers une autre chambre. Cette fois-ci, c’est un oui. Ils peuvent rentrer et prendre place à côté de Roger.

La proposition est belle de simplicité : Julien offre au chevet la lecture d’un poème qu’il a écrit. Pendant ce temps, Cloük dessine l’illustration qui lui correspond. A la fin de la lecture, l’illustratrice offre le dessin à la personne. Le duo échange quelques bribes avec l’auditeur ou l’auditrice puis quitte la chambre, les laissant suspendus aux mots, aux souvenirs, aux images qui se dessinent dans leurs têtes.

« Je me voyais circuler autour des arbres, le long de la rivière »

Roger a fermé les yeux durant la lecture. Il est parti en promenade, loin des quatre murs blancs de sa chambre. Puis, il a tardé à les rouvrir, apaisé, là où il était. « J’ai bien respiré », dit-il en ouvrant les paupières. « J’en ai besoin. » Respirer, c’est ce que proposaient les derniers vers du poème que Julien lui a lu. 

Une fois les artistes sortis de sa chambre, Roger a pris délicatement dans ses mains le dessin laissé par Cloük. Il l’a longuement regardé. « Je dessine depuis que je suis petit. Je dessine tout le temps. Cela me détend. Alors quand on m’offre un dessin, ça me touche, ça me donne envie de prendre un crayon. Mais mon fils ne m’a pas apporté mes affaires. Ce n’est pas grave, je fais des mots croisés ! »

« J’aime bien la passiflore »

Dans la chambre à côté de celle de Roger, il y a Roland qui attend son épouse hospitalisée. Après quelques minutes d’attente, l’infirmier la ramène, poussant son fauteuil roulant. « Ça fait longtemps que tu es là ? », demande-t-elle d’une voix vive, avant de lui donner les nouvelles. Sur sa table, il y a une petite pile de livres. Alors quand Julien et Chloé leur proposent un moment de poésie, les deux complices acceptent avec des étincelles dans le regard. « Ah les rouges-gorges ! J’en voyais beaucoup quand j’étais gamin mais aujourd’hui je n’en vois presque plus », réagit Roland à la fin du récital. Son épouse remercie chaleureusement les artistes : « J’aime bien le passiflore, alors quand vous me parlez de cette fleur, cela me projette des images très agréables. Cela me rappelle le passiflore qui trônait à l’entrée d’une maison de vacances en Provence, où nous allions… Il y a quelques années. »

« J’aurais aimé que vous me parliez de truites »

Daniel est un ancien notaire. Énergique, loquace, souriant. A la fin du poème, il s’exclame : « C’est beau tout ça, toutes ces fleurs, toute cette nature, mais j’aurais aimé que vous me parliez de truites. Dans la rivière, j’aurais aimé qu’il y ait des truites ! ». Les deux artistes s’amusent. Et quand Cloük lui tend la feuille de papier où elle a dessiné un joli brin de muguet, Daniel rétorque : « Bon, c’est très beau, mais j’aurais préféré des jonquilles ! ».

« Le jardin c’est ma vie »

« Plein de plantes, plein de fleurs, c’est ma vie ! s’exclame Françoise. J’ai la main verte, à chaque fois que je fais des boutures, ça prend ! Je ne sais plus quoi en faire ! J’en donne à mes auxiliaires de vie et à ma petite-fille. Bon, malheureusement je n’arrive plus à jardiner dans le jardin à cause de ma santé. A la maison, j’ai une collection de chouettes dans ma verrière. Mais j’accepte aussi de mettre autre chose que des chouettes, alors je mettrai le dessin sur une étagère à côté de mes chouettes ! 

Le goût de la cerise

La fin d’après-midi se déroule un étage au-dessus, à l’EHPAD. Plusieurs résidents et résidentes ont aussi droit à une lecture dessinée : Gilles, Raymond et son doudou, Marie, Jeanne. Quand Cloük offre le dessin à Jeanne, elle ne comprend pas :

  • C’est pourquoi ? demande-t-elle
  • C’est pour vous ! rétorque Cloük

Alors Jeanne parle de ses problèmes de mémoire. Dans le dessin de Cloük, il y a une cerise, une belle cerise rouge. 

  • Et le goût de la cerise, vous vous en souvenez ? demande l’illustratrice
  • Oui, un jour, mon fils est venu me rendre visite avec un gros paquet
  • Et bien on vous laisse avec ce dessin, poursuit Julien. Et si vous ne vous souvenez plus de nous, et bien vous regarderez ce dessin, et peut-être que vous vous souviendrez de ce moment. De ce moment, de nous ou du goût de la cerise. 

INTERVIEW / Julien Bucci, de l’art de la bibliothérapie

Julien, Chloé, quels sont vos ressentis juste après cette intervention ?

Julien : Je suis content. Ces interventions nous permettent d’expérimenter des choses. Aujourd’hui par exemple, j’ai lu des nouveaux textes : j’ai terminé d’écrire le dernier hier soir. Je me suis rendu compte qu’il y avait des mots qui percutent les auditeurs : la passiflore, le parquet, les truites.

Chloé : Oui, c’est un laboratoire d’expérimentations. Au départ, je devais dessiner sur des vitres. Mais parfois, ça n’a pas été possible. Alors je suis passée au papier. La première fois j’ai fait les dessins à l’aquarelle. Mais c’est long, ça coule. Aujourd’hui c’est la première fois que je testais avec les pastels. Et j’ai bien aimé !

Julien, tu as choisi d’inviter d’autres artistes pour certains de tes impromptus. Aujourd’hui, il s’agit de Chloé. Pourquoi ?

Julien : Je suis convaincu qu’un texte lu raisonne ensuite dans la personne. Mais si tu laisses un dessin, il raisonne plus encore. La démarche de la compagnie, ce sont les mots. Les mots qui prennent soin, les mots qui aident, qui soutiennent. Il y a une démarche portée sur la bibliothérapie. Le texte résonne aussi chez la personne qui m’accompagne. Pour moi le critère d’un bon spectacle, c’est la rémanence : qu’est-ce qu’il reste ? qu’est-ce qui raisonne ? Laisser un dessin c’est laisser une trace.

Chloé : Oui, puis parfois, les gens ne savent pas quoi faire ou qui regarder pendant la lecture, alors ils peuvent me regarder dessiner. Avec les enfants, ils ont beaucoup regardé le dessin pendant la lecture.  Là aujourd’hui, je les ai trouvés en face à face avec toi. Ils te regardaient, réagissaient à certains mots.

Chloé, quant à toi, pourquoi as-tu accepté l’invitation de Julien ?

Je trouvais intéressant de confronter mon univers avec celui de quelqu’un d’autre. J’aime beaucoup l’écriture de Julien. Elle est très illustrée ce qui me permet d’avoir des images en tête assez rapidement. On a une bonne complicité et j’aimais cette proposition au chevet. Je n’avais jamais fait de dessins au chevet donc cela m’intéressait.

Chloé, ce n’est pas ta première participation à Plaines Santé, tu étais intervenue l’année dernière avec ta compagnie, La Rustine. Qu’est ce qui t’intéresse dans ce dispositif ?

Le contact des gens. Je trouve ça bien de développer dessin et soin. Ce sont des milieux fermés, et nous venons leur apporter un ailleurs. J’aime bien aussi travailler avec les personnes âgées. Cette expérience-là me donne envie de creuser. Elle me conforte et me donne des idées pour des futurs projets !

Julien, comment as-tu travaillé à l’écriture de ces textes ? 

Pour les textes lus aujourd’hui, je me suis inspiré d’un auteur hongrois Dan Jacz. Ma démarche est aussi inspirée des recherches sur les neurones miroirs, une théorie en neurosciences qui stipule que : les mêmes zones neuronales sont stimulées si je fais l’action physiquement ou si j’entends juste le mot, ou le verbe qui désigne l’action.  Donc dans mes textes, il y a beaucoup de verbes d’action. On avance. On progresse dans une linéarité. On ne perd pas l’auditeur ou l’auditrice. Le champ lexical est aussi choisi scrupuleusement : nature, fleurs, animaux, avec l’idée que le mot va à un moment réveiller des choses profondes chez la personne.

Tu as aussi laissé un téléphone se promener dans les différents services … Tu peux nous en dire plus sur ce drôle de combiné ?

Oui ! C’est un projet né pendant le confinement à l’origine. Les personnes qui l’utilisent tapent un numéro et entendent un poème au bout du fil. Et à chaque fois, dans les services, j’ai procédé comme cela. Je demande aux personnes de choisir un poème et je leur lis. Ce sont des poèmes qui répondent tous à un besoin (rassurer, aimer, transporter, réchauffer, etc.)

Quel est le service que vous avez préféré ?

Julien : J’ai adoré la néonatalogie. C’était très fort. Les bébés étaient prématurés et ils avaient des électrocardiogrammes. Au fur et à mesure de la lecture, leur rythme cardiaque ralentissait. C’est l’infirmier qui me l’a indiqué. La lecture était adressée aux mamans. Le rythme du cœur de la maman baisse, et automatiquement le rythme cardiaque des bébés baisse. D’habitude je ne sais pas mesurer l’effet que j’ai avec mes lectures, or là, c’est devenu très tangible. C’était émouvant.

Chloé : les personnes âgées. J’ai envie de continuer à travailler avec ce public.

Tu as employé le mot bibliothérapie dans une des réponses précédentes, qu’est-ce que c’est ? 

La bibliothérapie, qui est une sous-branche de l’art-thérapie, consiste à utiliser le potentiel des mots dans un but de mieux-être, de détente (ou au contraire de dynamisation) et surtout de maintien de la créativité de chaque individu, à tout âge de la vie.
 
Ce matin, j’ai fait écrire des jeunes en grande souffrance psychique dans une unité pédopsychiatrique. Après avoir mis des mots sur des émotions très fortes qu’elles ressentaient, plusieurs patientes ont exprimé spontanément qu’elles se sentaient mieux.
 
Il y a deux grands types de bibliothérapie. Il y a une approche anglo-saxonne qui consiste à prescrire des ouvrages strictement informatifs. On préconise la lecture d’essais qui abordent ce dont le ou la patiente souffre, mais jamais de fiction. En France et dans les pays francophones, il y a une approche plus créative, auto-émancipatrice. Dans cette approche, on mobilise des extraits littéraires ou poétiques, et non des essais ou des livres de développement personnel. Ce sont les potentiels de la métaphore, de la polysémie du verbe, de la puissance cathartique d’un récit, qui agissent, résonnent et apaisent. Les mots ont une force d’impact colossale. Ils peuvent blesser. Mais ils peuvent aussi réunir, réparer, si on sait les choisir avec soin.

Larguer les amarres, direction l’Irlande avec les résidents de l’EHPAD Saint Jean-Marie Vianney

By | 2022/2023

Larguer les amarres, direction l’Irlande avec les résidents de l’EHPAD Saint Jean-Marie Vianney

Jeudi 28 septembre, nous sommes allées à la rencontre du duo de musiciens Margaux Liénard et Julien Biget à l’EHPAD Saint Jean-Marie Vianney à Cambrai. 

Le duo interprète ce jour-là un répertoire traditionnel irlandais composé de chansons d’amour, d’exode, d’exil, de marins et de ferrailleurs. Derrière eux, la grande baie vitrée de la demeure donne sur le jardin de la résidence. Les branches des arbres ondulent avec le vent. On pourrait croire qu’ils dansent. Le public assis est silencieux, attentif. On entend le talon de Julien battre la mesure sur le vieux plancher de la salle à manger. Puis, les cordes s’arrêtent. Les dernières notes d’une Polka disparaissent dans les airs. Les artistes sourient à leur public.

  • « Maintenant, vous n’avez plus d’excuses pour ne pas danser : nous allons jouer une danse que tout le monde connaît : une valse ! », s’écrie Margaux.
  •  « Ah, hélas, si on pouvait », rétorque Liliane en montrant son genou douloureux.

Ce jour-là, 22 résidents de l’EHPAD Saint Jean-Marie Vianney à Cambrai sont descendus dans la salle à manger pour écouter les musiciens. Le foyer se situe dans une très belle et grande maison bourgeoise, entourée d’un parc arboré, au milieu du béton de la ville. Mais hormis la poésie du jardin, les résidents ne voient pas souvent défiler des artistes.

« Est-ce que vous avez un autre travail ? », demande Liliane entre deux morceaux. Les deux musiciens rient et lui répondent avec bienveillance : « Non, notre travail c’est de jouer de la musique. » Liliane acquiesce, visiblement convaincue.

Fermer les yeux et danser sur le pont des bateaux 

Entre deux chansons, le duo traduit et explique les paroles des chansons. Margaux raconte son voyage en bateau jusqu’à l’Irlande et le scorbut des marins. Certains résidents ferment les yeux. Les marins irlandais dansent derrière leurs paupières. Sont-ils en train de danser avec eux ? Ils dansent sur le pont du bateau et rayent le plancher. Ils oublient le scorbut, les tempêtes et les genoux douloureux. Et puis, ils ouvrent de nouveau les yeux, revenus de leur grand voyage. C’est la dernière chanson.

« J’ai adoré, cela me rappelle quand j’allais danser au Marché Couvert à Cambrai, lors des repas dansants, se souvient Liliane. Malheureusement aujourd’hui, à 88 ans, je n’ai plus la santé pour ça ! ».

« C’est un bol d’air frais dans notre quotidien ! Merci ! vient dire Paul aux musiciens. Mais j’aimerais que vous chantiez des chansons que l’on connaît la prochaine fois. Pour qu’on puisse chanter ! »,  remarque le vieil homme. « Enfin, c’était très bien quand même ! », ajoute-t-il en les saluant.

Ce répertoire était une première pour les résidents de l’EHPAD. Lors de leurs précédentes représentations, Margaux et Julien ont proposé un répertoire traditionnel local, du Cambrésis.

INTERVIEW 

Margaux Liénard et Julien Biget, pour l’amour de la chanson traditionnelle

Pouvez-vous présenter votre duo ?

Margaux : Notre s’appelle Brunette à longuet. C’est le titre d’une chanson originaire de Cambrai. On voulait partager un répertoire local avec les gens d’ici. Il y a une partie du répertoire sur lequel je travaille depuis plusieurs années, et que je collecte dans les services d’archives ou auprès des gens sur le territoire de l’Avesnois-Thiérache. Avec Julien, on a étoffé le répertoire avec d’autres chansons traditionnelles de la région.

Julien : Pendant très longtemps, on a targué ces chansons de populaires, or aujourd’hui, elles ne le sont plus du tout. Personnellement, je m’intéresse aux musiques traditionnelles depuis toujours. J’ai été conquis par leur esthétisme simple et accessible. C’est cette simplicité qui permet leur passation orale.

Alors justement, parlons musiques traditionnelles : est-ce que cette catégorie de musique avait un rôle spécifique à l’époque ? une fonction sociale par exemple ?

Margaux : Oui, elles avaient plusieurs fonctions. Il y a les chansons narratives, les chansons de travail, les chansons de processions, les chansons d’enfants, etc. Il y a plein de contextes différents dans lesquels on chantait ces chansons.

Julien : La plupart des chansons qu’on chante se retrouvent quasiment partout en France. On en retrouve aussi au Québec. Les textes sont parfois très proches. Les mélodies en revanche évoluent. Les écritures de ces chansons ont été initiées par des gens de lettres au Moyen-Age.

Margaux : On parle de chansons traditionnelles quand elles se sont transmises oralement.

Julien : Il y a un ingrédient essentiel pour les percevoir et les recevoir, c’est la place de la métaphore. Il n’y a pas une seule phrase qui ne soit pas métaphorique.

Margaux, quelle est l’origine de cette récolte que tu as entreprise dans l’Avesnois-Thiérache ?

Margaux : Je suis de l’Avesnois de génération en génération. A force de chanter des musiques d’ailleurs, j’ai eu envie de revenir sur mon territoire, de redécouvrir ses chansons et ses musiques.

Et alors quelles découvertes as-tu faites ?

Margaux : C’est un territoire où les traditions ont disparu depuis plus longtemps que dans d’autres régions. C’est un travail de fourmi. Beaucoup de choses ont disparu mais il reste encore des traces parfois. Il y a aussi des traditions orales qui étaient là, et que je n’ai pas vu, par exemple dans certaines harmonies fanfares. Ces cultures ont disparu il y a très peu de temps. J’aurais presque pu les connaître et mes parents les ont connues. Mais elles existent encore dans certaines fanfares belges donc j’ai pu faire des ponts aussi avec les régions alentour.

Pourquoi ces cultures ont disparu ?

Margaux : Les guerres, la disparition des rassemblements pendant les guerres.

Julien : L’industrialisation aussi, qui a vidé les campagnes dès la fin du XIXe siècle.

Margaux : Oui, les gens voulaient des « choses » de la ville. Les cultures locales étaient stigmatisées, et ce dès le milieu du XIXe. On n’avait plus trop envie des violoneux pour danser, mais plutôt d’ensembles de musique plus « classes » venus de la ville.

Julien : Les traditions orales ont été mieux préservées dans des régions où il y a eu moins de passages, ou des régions préservées par des éléments naturels comme la Montagne, ou la Bretagne aussi qui est un cul-de-sac. Si on parle de tout ça, c‘est important. Cela explique pourquoi ces chansons ont disparu et pourquoi elles réapparaissent.

Et alors, pourquoi Plaines Santé ?

Margaux : Nous voulions diffuser ces chansons, les faire revivre sinon elles sont oubliées. Je ne voulais pas les laisser dans un carnet. Et puis, vu que j’ai beaucoup collecté ces traditions auprès des personnes âgées, je trouvais ça juste de venir les chanter dans un établissement de type EHPAD.

Julien : Nous sommes venus faire notre métier. Nous ne sommes pas des scientifiques. On collecte dans une démarche vivante de musiciens. Et puis, on a une expérience en milieu hospitalier depuis 7-8 ans, notamment avec le BIP.

Vous êtes bientôt à la fin de l’aventure Plaines Santé, après 13 représentations dans ces 2 EHPAD, quels sont vos ressentis ? votre bilan ?

Margaux : C’est un établissement qui n’avait jamais accueilli d’artistes dans ce contexte-là. Nous avions l’expérience du BIP qui nous a pas mal servi pour composer avec l’établissement et les animatrices sur place. En général, ça s’est très bien passé. On a dû convaincre pour des interventions au chevet, mais on y est arrivé. Les équipes ont été agréablement surprises et on va pouvoir le refaire. Nous sommes contents.

On a eu quelques remarques sur le fait que les chansons n’étaient pas assez connues. Alors on s’est adapté. On a ajouté le petit quinquin au répertoire par exemple. On a aussi dynamisé notre premier set. On fait chanter le public aussi quand ce sont des chansons à réponse.

Et puis on a accepté de jouer un autre répertoire que celui prévu initialement. Aujourd’hui, nous jouons de la musique traditionnelle irlandaise … en anglais ! On espère que cela va leur plaire.

Julien : Oui, c’est un public très exigeant.

La fée Linotte ouvre des portes au Centre Hospitalier de Saint-Quentin

By | 2022/2023

Mardi 3 octobre 2023, la comédienne-marionnettiste Fanchon Guillevic, compagnonne du Tas de Sable – Ches Panses Vertes, Centre National de la Marionnette, était au Centre Hospitalier de Saint-Quentin pour présenter l’impromptu A tire d’ailes pour les jeunes patients du service de pédiatrie.

Barbara entre dans la pièce où Fanchon se maquille. « Tu es prête ? demande gentiment la monitrice-éducatrice à sa complice du jour. Je vais voir si Chloé est disponible. » Chloé est une des adolescentes hospitalisées dans le service pédiatrique de l’hôpital. Sa maman est là en ce début d’après-midi, et c’est dans sa chambre que Fanchon, artiste marionnettiste, va jouer la première représentation de l’après-midi.

Pendant que Barbara prépare le terrain, Fanchon termine de recouvrir son visage d’un jaune métallisé. Face à l’évier, elle nous raconte comment se sont passées les représentations précédentes dans les autres services du centre hospitalier. Fanchon en est à sa troisième semaine d’intervention. Elle a joué pour différents services : les résidentes de deux EPHAD, les patients du service d’Oncologie-Hématologie et les enfants hospitalisés du service de pédiatrie. La petite forme scénique qu’elle présente a été spécialement pensée pour être jouée en milieu de soin, en chambre, au chevet des personnes empêchées.

Ce jour-là, en pédiatrie, Fanchon se présente dans 4 chambres. « Elle a du mérite !, commente Barbara Odelot, monitrice-éducatrice. Le fait de s’adapter à différents services n’est pas facile. Les personnes sont différentes. Elles n’ont pas forcément les mêmes attentes, explique-t-elle. Il faut trouver sa place quand on intervient. On entre dans une dynamique particulière à chaque fois. En pédiatrie, il faut être attentive au moindre regard, réflexion, parole. »

Pour Fanchon : « ce qui m’aide c’est d’être solide dans ma proposition, explique l’artiste, je sais que j’ai créé ce spectacle pour les adultes, en milieu de soin. Et je savais qu’il était facilement adaptable pour les ados. L’inverse aurait été plus compliqué. »

Un spectacle en toute intimité

Barbara vient d’aller demander à Chloé, de regagner sa chambre. Fanchon est prête. Elle sort de la salle d’atelier en poussant son castelet. Elle allume la musique et se dirige tout doucement dans le couloir où se trouve la chambre de Chloé. Assises sur le lit du fond, contre la fenêtre, l’adolescente et sa maman attendent le début de la représentation dans le noir. Fanchon entre avec ses sept portes. Elle referme délicatement celle de la chambre derrière elle. Le spectacle se fait en toute intimité, rien que pour Chloé et sa maman.

Barbara, ravie, occupe les autres adolescents autour d’un jeu de société. Elle va bientôt fermer les volets de la deuxième chambre où Fanchon se produira juste après.

« Nous, le personnel de l’hôpital, nous avons un regard professionnel avec des objectifs bien déterminés en fonction des patients. Les artistes quant à eux, apportent un regard neuf. C’est une autre dimension, explique l’éducatrice. Nous, on reste dans le côté médical : quand je les prends en ateliers, même si on est dans une pièce en dehors du service, l’objectif final c’est que l’enfant puisse adhérer aux soins et à la prise en charge psychologique. Les artistes amènent tout à fait autre chose. C’est pour cela que j’aime travailler sur ces projets-là. », confie Barbara.

INTERVIEW / Fanchon, de la poésie « à tire d’ailes »

Quel est l’origine de ton projet A tire d’ailes ?

Cette histoire démarre il y a quelques années. Ce projet est issu de mon double cursus comédienne-marionnettiste et art-thérapeute. Je n’ai jamais exercé en tant qu’art thérapeute mais j’ai gardé des souvenirs forts de mes passages dans les structures pendant mes stages. Et j’ai souhaité y revenir mais en tant qu’artiste.

Quand j’étais en master d’art-thérapie, j’ai conduit une recherche sur le castelet [petit théâtre de marionnettes] adaptable en milieu de soin.  Je voyais la pertinence d’aller au chevet des personnes. J’ai ensuite créé la petite forme A tire d’ailes, qui s’avère être une forme courte, en individuel, au chevet des personnes pour les publics empêchés au départ. Je voulais amener une forme artistique complète, un spectacle, en chambre.

Dès le départ, je voulais proposer une manière de s’évader. Je définis ce spectacle en « spectacle-soin », en tout cas moi c’est la dimension que j’y mets. J’ai pensé l’impact de soin au-delà du geste artistique. Et cela est dû à mon parcours de soignante.

Peux-tu nous présenter le personnage principal Linotte ?

Bien sûr ! Linotte est une fée, mère d’un univers. Elle a une grande robe brune, avec des grandes poches où elles cachent des choses. Elles se promènent toujours avec 7 portes. Elle vient ici pour passer un instant avec les patients. Derrière ses 7 portes, il y a 7 univers…

Comment te sers-tu de ces portes dans le spectacle ?

L’idée des portes m’est venue lors d’une résidence de création. Il s’agissait d’une semaine de recherche sur comment amener le spectacle en lieux fermés. Pour ce spectacle, j’installe les portes en chambre et autour du lit. Pendant la représentation, je fais la proposition d’ouvrir les portes. A chaque ouverture, nous faisons un voyage poétique dans un univers grâce à des lectures de Haïkus et du jeu. C’est précieux pour moi de pouvoir faire entendre de la poésie, et de la poésie qui me touche particulièrement.  Dans ce voyage, il y a aussi des images, de la manipulation d’objets et de lumières. Il y a aussi une marionnette et des silhouettes.

Pour te produire au chevet, tu utilises un castelet. Comment as-tu élaboré cet outil ?

Comme je disais précédemment, j’ai travaillé sur le castelet adaptable en milieu de soin pendant mes études. Mais je ne l’ai pas construit moi-même. Je ne voulais pas. J’ai convoqué Lucas Prieux pour m’aider à construire ce que j’avais dessiné : penser le chariot, le construire, réaliser les mécanismes.

Ensuite, Vincent Lengaine, ami et réalisateur-son a créé la bande son du spectacle. Je voulais vraiment offrir tous les éléments d’un spectacle jusqu’au son et les lumières.

Tout cela a été conçu sur-mesure pour s’adapter aux chambres d’hôpitaux. J’ai quand même dû m’adapter parfois car toutes les chambres n’ont pas un format standard, en EPHAD notamment. Les chambres étaient plus petites qu’à l’hôpital du coup je ne pouvais pas rentrer avec mon chariot. On a donc installé la scénographie ailleurs et ce sont les résidents et résidentes qui sont venus à moi, individuellement. Et cela a fonctionné aussi.

En milieu hospitalier, il faut savoir s’adapter comme disait Barbara Odelot, l’éducatrice avec qui tu as travaillé dans le service pédiatrie. De manière générale, que retiens-tu de ta collaboration avec le personnel ?

Alors, déjà j’étais ferme sur ma proposition : il s’agit d’une forme en chambre, au chevet. Je ne voulais pas renoncer à ça. J’ai proposé de rencontrer les équipes en amont pour leur présenter le projet.  J’ai eu le soutien précieux de la cadre. On a fait une réunion avec le Directeur et les autres cadres et ensuite on a géré par mail avec les équipes. J’ai donné en amont les dates où je venais. Je voulais des semaines entières pour être bien concentrée. Ensuite, j’ai surtout travaillé avec les éducatrices qui font le relais entre les patients, les résidents et moi. C’est tellement particulier d’intervenir en chambre. Je veux que le spectacle leur soit proposé mais absolument pas imposé. Et ce sont elles les interlocutrices identifiées au quotidien. Si besoin, s’il y a un peu de réticence, je viens en chambre pour me présenter. Souvent les animatrices ou éducatrices sont complices. Elles vont en chambre, elles ferment les volets, elles préparent la chambre à ma venue. Ce travail de collaboration avec les équipes est primordial et précieux.

De la « danse tout terrain » avec la compagnie Frichti Concept 

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Mardi 20 juin 2023, la compagnie Frichti Concept intervenait dans les EHPADs Saint-Vincent de Paul à Nogent-sur-Oise (60) et Les Marais à Margny-lès-Compiègne (60) pour une journée de virgules chorégraphiques dans le cadre du dispositif Plaines Santé.

Il est 10h00 passées quand Brendan Le Delliou, danseur et chorégraphe, et Virgine Avot, danseuse, membres de la compagnie Frichti arrivent dans le hall de l’EHPAD Saint-Vincent de Paul à Nogent-sur-Oise. L’impromptu artistique va bientôt commencer. Les artistes ont quelques minutes pour se changer et boire un café avant de rejoindre une première salle au rez-de-chaussée de l’établissement où des habitantes et habitants finissent de prendre leur petit déjeuner dans le calme. Les artistes déambulent entre les tables et les chaises sous le regard parfois médusé des habitants. Ensuite, rendez-vous à l’étage, où un autre groupe de résidentes les attendent. Là, la magie opère rapidement quand une des résidentes se lèvent pour rejoindre Virginie et danser avec elle !

Après ce grand moment d’émotions, la compagnie reprend la route direction la maison de retraite Les Marais à Margny-lès-Compiègne. Là encore, quelques résidents se lèvent pour danser…

Trouver refuge … avec le Collectif Errances

By | 2022/2023

Le Collectif Errances a posé ses valises le temps d’une semaine à la clinique Lautréamont à Loos (59) à côté de Lille dans le cadre du dispositif Plaines Santé. Lectures musicales et ateliers d’écritures créatives ont rythmé la semaine, jusqu’au vendredi où le collectif a présenté sa dernière création, Peupl.é.e.s, une « lecture musique sur puzzle-paysage ».

« Cela fait longtemps que je n’ai pas joué aussi tôt », lance Mélody Blocquel, metteuse en scène et interprète, fondatrice du collectif Errances. Assise sur le puzzle installé au milieu de la pièce, Mélody s’étire. Sarah Baraka, interprète, et Thomas Jankowski, musicien, patientent également, l’air détendu et concentré. Au fond de la salle, Madeline Wood, la scénographe est assise. C’est elle qui a réalisé le puzzle géant sur lequel vont déambuler les artistes. Les spectateurs et spectatrices seront invitées à s’asseoir sur les parties recouvertes de moquette, au sein même de l’installation. C’est une invitation à la balade, une immersion dans un paysage imaginaire, ou réel, au gré des envies et de la réception de chacun et chacune.

Les jours précédents, les artistes ont proposé des ateliers d’écriture autour de la thématique. « C’était très agréable », explique Patricia, une des participantes. Ecoutez-là :

Patricia explique ce qu’elle a fait durant les ateliers d’écriture

« Ce que j’aime, ce sont les débuts de marche … »

Il est 10h passées, la porte de la salle s’ouvre. Les trois artistes prennent place au milieu du puzzle pendant que les jeunes spectateurs et spectatrices s’installent tout autour. Thomas gratte les premières notes sur sa guitare. Mélody est assise, Sarah allongée, ses yeux ouverts regardent le plafond. La balade peut commencer, rythmée par les mots du texte écrit par Mélody. Les trois interprètes nous emmènent dans un lieu tenu secret, un chemin de bord de mer bordé de tamaris, avec vue sur une île. Libre à nous d’imaginer notre propre lieu refuge.

Patricia, spectatrice, nous partage ses ressentis après le spectacle

L’auditoire écoute, les visages sont détendus. Le puzzle retourné laisse apparaître des couleurs et des formes abstraites, douces et poétiques. Les personnes présentes ont accepté l’invitation : chacun et chacune semble revenir d’une promenade intérieure.

 

INTERVIEWS CROISÉES : LES ARTISTES, Mélody Blocquel, Sarah Baraka, Thomas Jankowski

Quels sont vos ressentis juste après la performance ? Comment avez-vous vécu le moment ?

Mélody : Je dirais que cela m’a aidé de voir des têtes connues. Nous avions rencontré ces personnes durant la semaine : nous avons partagé un ou plusieurs ateliers, nous les avons croisés dans les couloirs, on a partagé un repas. Je pense que cela a porté le spectacle. 

Sarah : Je suis d’accord. Voir des visages connus ; avoir traversé des choses avec certaines personnes, cela m’a aidé aussi. C’était comme avoir déjà un endroit commun. J’ai senti néanmoins que je mettais beaucoup d’énergie pour provoquer des réactions (rires). 

Mélody : Le spectacle était prévu à la fin d’une semaine d’ateliers et de rencontres avec les patients et patientes. Lundi j’ai joué un autre spectacle, puis nous avons fait une lecture musicale de Peuplées. À ce moment-là, on ne les connaissait pas. J’ai senti une différence. Ensuite, lors des ateliers, nous donnions et nous recevions aussi beaucoup. C’était un partage. Alors qu’aujourd’hui, c’était nous qui donnions quelque chose. Mais c’était très émouvant de leur partager ce qu’on leur a raconté cette semaine.

Sarah : Il y avait quelque chose de familier. Je me sentais plus à l’aise en fin de semaine. Lundi, on débarquait, on arrivait de l’extérieur, et on devait prendre place.     Là, nous étions davantage posés.

Était-ce la première fois que le Collectif Errances intervenait en milieu hospitalier ?

Mélody : C’est tout récent. On a eu un premier projet il y a 2 semaines à l’EPSM de l’agglomération lilloise, à côté de Lille. Mais un projet comme celui-ci avec autant de rencontres, c’était la première fois, pour moi, et pour le Collectif Errances.

Qu’est-ce que vous êtes venus chercher dans le cadre du dispositif Plaines Santé ?

Mélody : Le projet Peuplé.e.s a été pensé pour les lieux non dédiés au spectacle vivant. L’idée est d’aller vers les publics, de parler d’un lieu dans un autre lieu et pas dans une boîte noire de salle de spectacle. Dans le cadre de Plaines Santé, nous ne voulions pas uniquement proposer un spectacle mais nous souhaitions y aller petit à petit : partager du texte, de la musique, rendre accessible l’écriture poétique à travers les ateliers. Je voulais que les jeunes aillent chercher dans leurs imaginaires. Nous nous sommes vite rendus compte que ces jeunes avaient l’habitude de passer par l’écriture pour s’exprimer. Il n’y avait pas de blocages sur l’écrit alors nous sommes allés jusqu’au travail de l’oralité. Nous voulions croiser les voix, créer quelque chose de commun.

Thomas : Personnellement, je viens chercher du partage avant tout. Cela peut passer par l’énergie, de la musique, de l’attention. J’ai ressenti beaucoup d’attention cette semaine, une belle attention.

Est-ce que le spectacle a été écrit avec l’objectif de parler à des jeunes hospitalisés, en situation de soin ?

Mélody : Non. J’avais à l’origine l’envie de partager mon expérience, d’être dans un récit optimiste et vivant. Mais il est vrai que plus on avançait dans la création et plus on se disait que cela faisait vraiment sens de venir ici. Et puis en étant ici, on s’est rendu compte que c’était évident, que ça faisait écho aux jeunes. On en a parlé avec certains mercredi, il y a eu beaucoup de textes de leur part sur des souvenirs de vacances. Pour eux, l’enfance n’est pas très loin : le lieu de vacances est souvent un endroit agréable, qui leur fait du bien. 

INTERVIEWS CROISEES : LES SOIGNANTES, Anne et Emilia, infirmières en hôpital de jour

Pouvez-vous présenter brièvement la structure ?

Emilia : On accueille des jeunes de 13 à 25 ans quelques jours dans la semaine en hôpital de jour. Durant les journées où les jeunes sont là, on leur propose des ateliers animés par des intervenants professionnels. 

Quels sont vos ressentis juste après avoir assisté à la représentation du Collectif Errances ?

Anne : Une vraie découverte pour moi ! Je ne savais pas ce qu’était un spectacle vivant. J’étais très étonnée par l’aspect immersif. Il m’a fallu un temps d’adaptation  et après j’ai lâché prise et je me suis laissée aller. On a l’habitude des salles de spectacle où on est dans le noir, or là on était autant dans la lumière que les artistes.       Il et elles nous ont inclus dans leur spectacle et il m’a fallu accepter de prendre place… de trouver ma place.

Emilia : Pour ma part j’ai fait plusieurs ateliers avec elles durant la semaine et j’ai compris le lien entre les activités d’écriture et le spectacle. Quand j’ai entendu les phrases qu’on avait utilisées dans les ateliers, j’ai compris. C’était intéressant d’être inclus dans le spectacle.

D’un point de vue de soignante, en quoi ce genre de dispositifs est intéressant pour les jeunes que vous accueillez ?

Emilia : La découverte de l’inconnu, et qu’ils puissent profiter de nouvelles expériences !

Anne : Cela les invite à s’ouvrir, à s’éveiller, à se laisser surprendre. On a eu des retours très positifs.

Est-ce que c’est la première fois que la structure accueille des artistes sur une semaine ?

Emilia : Il y a quelques années, nous avions accueilli une compagnie de clowns sur une semaine également.

Vous avez assisté au spectacle comme les patients, est-ce que le fait d’être tous et toutes spectatrices et spectateurs, à égalité entre patients et soignants est quelque chose de nouveau pour vous ?

Anne : Lors des activités, les patients et les soignants sont toujours positionnés de la même manière. On vit l’expérience avec eux, avec elles, à égalité. Ce n’est pas nouveau. C’était naturel. 

Dans Peuplé.e.s, il y a plein de mots issus du champ lexical du soin : « se réparer », « renaître », « respirer », « souffler ». Avez-vous pensé que le texte était plutôt approprié au public ?

Oui, les retours sont positifs. Les jeunes nous ont dit qu’ils auraient bien aimé connaître le thème au départ, mais finalement, au fur et à mesure du spectacle, ils ont constitué leur propre monde. Et c’est ce qui s’est produit sur moi aujourd’hui : j’ai lâché prise et cela m’a apaisé. Et je me demande si cela leur a fait la même chose,    un apaisement vis-à-vis de leurs problématiques.

Emilia : Oui, j’ai vu des visages qui se sont détendus au fur et à mesure du spectacle. Je pense que la proposition les a détendus. Je pense que l’on pourra s’inspirer de cette expérience pour proposer de nouvelles choses dans le futur à nos patients. 

Le temps des cerises à l’EHPAD Le Château d’Antilly

By | 2022/2023

Lundi 19 juin 2023, la compagnie audomaroise Les Lunaisiens se produisait pour la troisième fois à l’EHPAD du Château à Antilly (02) dans le cadre de ses impromptus pour Plaines Santé. 

La bâtisse en impose dès le portail d’entrée. L’EHPAD Le Château porte bien son nom, situé à Antilly, l’établissement accueille 80 résidents et résidentes, une équipe de 40 soignants et deux chiens. À l’étage, sur les tables de l’espace cuisine, deux habitants parcourent un album photo : « Vous connaissez la Dordogne ? », demande Michel en désignant les images proprement plastifiées dans son album. Il s’agit de photographies d’un château, encore un …

Le ton est donné. Une heure plus tard, Arnaud Marzorati et Mélanie Flahaut de la compagnie Les Lunaisiens entament une chanson qui chante les louanges d’Henri IV. Ce jour-là, les deux artistes proposent la (re)découverte d’un répertoire ancien, baroque, avec des chants et musiques de la Renaissance. A chaque impromptu proposé, c’est le même rituel : Arnaud Marzorati, directeur artistique de la compagnie et chanteur, vient accompagné d’un musicien ou d’une musicienne qui présente un instrument à l’auditoire, qui plus est un instrument peu connu… Mélanie Flahaut est venue avec son basson, un instrument de la famille des hautbois. « Un tuyau de 2 mètres où l’on souffle dedans à travers une hanche », explique l’instrumentiste. Après quelques mots sur l’histoire de l’instrument, la musicienne déambule dans la salle en jouant une mélodie.

 
 
 

Le Basson :

Le basson raisonne dans la salle polyvalente de l’établissement. Les spectateurs et spectatrices écoutent attentivement. Certains ferment les yeux pour mieux écouter, d’autres dorment. Une personne agite ses bras doucement au-dessus de ses genoux au rythme de la mélodie. Il s’appelle Raymond : « Moi je suis un fan de musique. Le soir, je regarde l’émission de Nagui à la télé et je danse. C’est vrai que je préfère les musiques un peu plus costauds, le rock par exemple, mais il y a plein de musiques, comme le classique ou ce qu’on vient d’écouter, qu’on a mis de côté et ça fait du bien de les réécouter. C’est magnifique ! Je me suis régalé. Je suis heureux. »

Paulette, assise à quelques chaises de lui, est musicienne également. Elle l’a fait savoir dès la première visite des artistes de la compagnie. Quand Mélanie sort son instrument, elle ne laisse pas le temps aux autres spectateurs de deviner : « C’est un basson ! », répond-t-elle. 

« À 5 ans, on m’a fait apprendre le violon, se remémore-t-elle à la fin de la performance. Et chemin faisant, ça m’a plus et j’en ai fait jusqu’à l’âge de 25 ans. Mes violons m’ont suivi partout : je les ai amenés jusqu’ici dans ma chambre. Quand j’entends du violon, j’ai mon petit cœur qui se serre. » À chaque visite son instrument : viole de gambe, basson, accordéon, violon, au total une dizaine de musiciens et musiciennes viendront visiter les habitants de l’EHPAD du Château. « Et toujours la voix, précise Arnaud, car je ne suis que chanteur ! ». Pour l’artiste, chaque instrument donne l’occasion de présenter un répertoire différent : « des chansons qu’ils connaissent et d’autres qu’ils connaissent moins ». Cet après-midi-là, Arnaud et Mélanie entament Le Temps des Cerises. Dans la salle, des voix s’élèvent pour les accompagner. Certains yeux se mouillent aussi, la chanson réveille des souvenirs, ou la voix d’un être cher disparu. C’est cela aussi la musique : des décibels d’émotion, des gammes de joie et quelques notes de tristesse. 

 
 
 

Le temps des cerises :

La Malagua fait danser les mots et les corps à l’EPHAD

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Mercredi 21 juin 2023, la compagnie La Malagua a passé une journée aux côtés des résidents de l’EPHAD Alphonse Daudet dans le quartier de Moulins à Lille (59). Entre rencontres chantées, partage de souvenirs et mise en mouvements, la journée fut riche d’émotions.

Scheherazade Zambrano et Alejandro Russo interviennent dans les EPHADS lillois dans le cadre du dispositif Plaines Santé. Ce jour-là, les deux danseur.se.s investissent la résidence Alphonse Daudet, dans le quartier de Moulins. La structure accueille une trentaine de résident.e.s. Durant la matinée, les deux artistes en rencontrent quelqu’un.e.s. Ensemble, ils et elles chantent et se remémorent des souvenirs. Après le déjeuner, les participant.e.s de la matinée attendent avec fidélité leurs compagnons d’un jour dans la salle polyvalente.

Pendant ce temps, à l’étage, Alejandro s’occupe du montage son : il crée une composition à partir des paroles recueillies et des chansons choisies par les habitant.e.s. Scheherazade s’échauffe. Ensemble, il et elle créent une chorégraphie inspirée de tous les éléments de la rencontre.

Vers 15h00, le public s’impatiente. Les deux chorégraphes les rejoignent. Scheherazade initie un échauffement collectif de la voix. Puis, Alejandro déclenche la musique. C’est parti pour un cadeau chorégraphique d’une dizaine de minutes.

A l’EPSMD de l’Aisne, on chante et on danse des poèmes.

By | 2022/2023

Lundi 24 juillet 2023, nous avons suivi la compagnie N/KG – Gravitas Artis à l’Établissement Public de Santé Mentale Départemental (EPSMD) de l’Aisne situé à Prémontré. Emily Regen, danseuse, chorégraphe et fondatrice de la compagnie, accompagnée d’Elodie et Stéphane, danseuse et danseur, ont proposé un moment tout en douceur et poésie aux patientes et patients du service de psycho-gériatrie. 

« Il chante et danse des poèmes » murmure Emily en tenant une cocotte en papier dans ses mains, regard vers le public.  Elodie allume la musique et commence à marcher tranquillement au loin. Stéphane est debout, dos aux vitres. Emily attrape la cocotte. Un étrange duo commence avec la danseuse et sa grue de papier.

Pendant une heure, les trois danseurs se meuvent tout en délicatesse et avec poésie sous le regard médusé des patientes et patients. « Moi. J’adore la danse. La danse c’est ma vie. Je suis acteur de cinéma, réagit Roger, 84 ans. Ce que vous avez fait là, c’est digne d’une scène parisienne. »

Souvent, la magie opère là où on ne l’attend pas : un patient termine le poème à haute voix, une dame se lève pour aller danser avec les artistes. L’espace est ouvert : le public est libre d’y entrer, d’interagir, de participer.

INTERVIEW, Emily Regen, chorégraphe et créatrice de la compagnie N/KG – Gravitas Artis

Emily, peux-tu présenter la compagnie ?

La compagnie s’appelle N/KG – Gravitas Artis. N/KG est le symbole universel de la Gravité terrestre. Je l’ai appelée comme cela car nous travaillons sur le poids des choses. C’est la thématique du projet. J’aime trouver des points de connexion entre la danse et le soin. Je suis chorégraphe, mais je pratique aussi le soin énergétique à côté. C’est important pour moi de lier les deux.

Pourquoi avez-vous postulé à Plaines Santé ?

Je cherchais des appels à projets qui s’inscrivaient dans des lieux de soins, ou des lieux avec un public empêché. Je crois qu’aujourd’hui on ne peut plus se limiter aux théâtres. Il y a quelque chose à creuser en tant qu’artiste, aller plus au contact des gens. Je voulais vraiment inscrire le travail de la compagnie, créé il y a un an pour cela, au sein des hôpitaux. Alors quand j’ai lu l’appel à projets de Plaines Santé, j’ai aimé. J’ai aussi découvert la profusion d’artistes qui y participait et je me suis dit que j’aimerais y inclure mon travail.

Est-ce que tu continues de créer pour les lieux dédiés (théâtre, etc.) ou est-ce que tu ne produis plus que des pièces pour les lieux de soin ?

Il est vrai qu’avec la Cie N/KG je cible plutôt les lieux de soin mais j’aime aussi l’idée de continuer à produire des pièces pour les théâtres. On peut par exemple adapter au théâtre une pièce créée pour le milieu hospitalier. On peut essayer de toucher tout le monde avec une pièce autour des gestes du soin. Je pense que l’on peut s’adapter à plusieurs lieux, ou combiner les deux.

Qu’avez-vous proposé pour Plaines Santé 2023 ?

La pièce s’appelle Souffle Monde. C’est un spectacle complet qui dure une heure mais qui est découpé en petits tableaux. La pièce est racontée par un oiseau qui prend la forme d’une cocotte en papier et qui se promène à travers des poèmes. Il y a de l’écoute, du contact, de la danse contemporaine, du poids et des déséquilibres. Il y a aussi un peu de contact avec le public à travers les regards, des jeux avec des ballons de baudruche. Du contact aussi par le simple fait que nous soyons souvent dans des lieux très petits, et des lieux qui leur sont personnels, intimes. Cela nous demande de prendre un temps à chaque fois pour nous installer, pour prendre place, nous adapter.

Justement, est-ce difficile de prendre place ? Comment procédez-vous ?

Nous créons une sorte de petit bord plateau avec des chaises. On laisse néanmoins la possibilité aux personnes de circuler. Il n’y a pas d’obligation de regarder. Ils et elles peuvent aussi prendre la parole. Il y a un monsieur par exemple qui a terminé le poème que j’étais en train de dire. Il le connaissait ! Il l’a prononcé avec une telle lumière dans ses yeux : c’était magnifique. Après le spectacle, nous organisons toujours un temps d’échanges avec le public afin qu’ils et elles puissent nous partager leurs émotions, leurs ressentis.

Pour le moment, quels sont tes ressentis vis-à-vis de la réception de la pièce ?

Il y a beaucoup de personnes qui aiment la danse où qui dansaient avant. Elles nous racontent qu’elles aimaient danser le rock, ou qu’elles ont appris la danse classique. Pour le moment, nous sommes intervenus deux demi-journées en psychogériatrie avec des personnes qui ne peuvent pas beaucoup bouger. Mais, hier, une dame est venue rejoindre les danseurs. C’était très émouvant. C’était un moment du spectacle où le danseur [Stéphane] est assis sur une chaise et il est triste. Alors, nous venons le consoler en lui mettant des fleurs dans les cheveux, et là, une dame s’est levée et a voulu consoler le danseur à son tour. Elle l’a coiffé. Elle faisait partie de la pièce. C’était magique. Pour la suite, nous irons dans des services où les personnes sont plus mobiles et nous avons prévu des temps d’ateliers autour de pliages d’origamis. J’ai commencé à plier plein d’autres oiseaux pour avoir des objets transitionnels, qui permettent de créer un contact avec les personnes, de leur rappeler des souvenirs d’enfance. Nous sommes tous et toutes touchées par les cocottes en papier. Je me suis inspirée d’un conte japonais, la légende des mille grues, qui raconte que si l’on plie mille grues en papier dans une année, on peut voir son vœu de santé s’exaucer.